Responsabilités de l'entreprise et du chef de chantier
Parce que chaque le chef d'entreprise est responsable de la sécurité des salariés de son établissement, y compris celle des salariés intérimaires, il doit connaître les obligations et les risques liés à cette responsabilité !
ATTENTION: le droit français privilégie les preuves écrites!!
Selon le Code du Travail - Article L4121-1
La responsabilité du chef d'entreprise est très clairement précisée. Celui-ci doit prendre et mettre en œuvre "les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé des travailleurs de l'établissement, y compris celle des travailleurs temporaires. Ces mesures comprennent des actions de prévention des risques professionnels, d'information et de formation ainsi que la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés".
Qui est responsable ?
Il s'agit de celui qui détient les pouvoirs de direction sur le personnel. Et généralement, dans une entreprise individuelle, il s'agit du propriétaire ou du gérant.
Dans une SARL, en cas de gérant unique, celui-ci est responsable ; en cas de pluralité de gérants, la responsabilité est collective.
Dans une SA avec conseil d'administration, le président est responsable.
Dans une SA avec directoire et conseil de surveillance, la responsabilité incombe au directoire de manière collective sauf s'il y a répartition des tâches.
Dans une société en nom collectif, le ou les gérants assument la responsabilité.
Dans une entreprise en redressement judiciaire, la responsabilité de l'administrateur judiciaire est engagée.
Dans une association, le président est responsable.
En tant qu'employeur vous avez une obligation de sécurité envers vos collaborateurs. Il vous incombe donc de mener les actions de prévention, de formation et d'information à leur intention au travers, notamment du Document Unique.
En cas de manquement constaté, suite à un accident du travail, la faute inexcusable de l'employeur pourrait être invoquée contre vous.
Le dirigeant peut être tenu pour responsable sur son patrimoine des conséquences que ce soit de sa propre faute, ou de celle d'un de ses subordonnés. Il peut alors être condamné à rembourser aux organismes sociaux (comme la Sécurité sociale) les indemnités supplémentaires accordées aux victimes (majoration de rente et les préjudices personnels).
Rappels - Article L4131-1
Le travailleur alerte immédiatement l'employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection.
Il peut se retirer d'une telle situation.
L'employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent résultant notamment d'une défectuosité du système de protection.
L'employeur doit donc savoir "qui fait quoi" dans l'entreprise pour répartir les missions relatives à une démarche de prévention auprès des personnes les plus aptes à les assurer (possibilité de délégation de pouvoir).
Le code du travail impose à chaque employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs de son établissement y compris les travailleurs temporaires. Si cette obligation n'est pas respectée, même en l'absence d'accident, l'employeur s'expose à des amendes pénales appliquées autant de fois qu'il y a de salariés concernés par l'infraction (3750€)
On distingue:
- la responsabilité civile = l 'obligation de réparer matériellement le ou les dommage(s) causé à autrui.
la responsabilité pénale = l'obligation de répondre vis à vis de la société de ses actes délictueux et, en cas de condamnation, d'exécuter la sanction pénale (amende, peine d'emprisonnement ou autres) prévue par cette infraction.
Selon le Code Civil - Dommages matériels
• Article 1382, créé par Loi 1804-02-09 promulguée le 19 février 1804
Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer
Nous sommes responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Selon le Code Pénal - Loi n°2000-647 du 10 juillet 2000 - art. 1 JORF 11 juillet 2000.
- Il impose à tout un chacun de ne pas exposer autrui à un risque de mort ou de blessures et de ne pas porter atteinte à sa vie ou son intégrité physique --> s'applique lorsqu'un employeur commet une faute intentionnelle de manquement à un règle de sécurité.
C'est une obligation de moyens = obligation de faire et de mettre en œuvre.
- Responsabilité pénale travail = imputée à celui ou celle qui avait la charge de respecter ou de faire respecter le règlement (ici par exemple le code du travail). Elle peut être déléguée à une personne muni de l'autorité du chef d'entreprise.
Il n'y a point de crime ou de délit sans intention de le commettre.
Toutefois, lorsque la loi le prévoit, il y a délit en cas de mise en danger délibérée de la personne d'autrui.
Il y a également délit, lorsque la loi le prévoit, en cas de faute d'imprudence, de négligence ou de manquement à une obligation de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, s'il est établi que l'auteur des faits n'a pas accompli les diligences normales compte tenu, le cas échéant, de la nature de ses missions ou de ses fonctions, de ses compétences ainsi que du pouvoir et des moyens dont il disposait.
Dans le cas prévu par l'alinéa qui précède, les personnes physiques qui n'ont pas causé directement le dommage, mais qui ont créé ou contribué à créer la situation qui a permis la réalisation du dommage ou qui n'ont pas pris les mesures permettant de l'éviter, sont responsables pénalement s'il est établi qu'elles ont, soit violé de façon manifestement délibérée une obligation particulière de prudence ou de sécurité prévue par la loi ou le règlement, soit commis une faute caractérisée et qui exposait autrui à un risque d'une particulière gravité qu'elles ne pouvaient ignorer
- Responsabilité pénale générale = imputée à plusieurs personnes qui ont pu commettre une faute pénale et concourir à la réalisation de l'accident du travail: le maître d'ouvrage, le chef d'entreprise et le délégataire de pouvoir. Cette responsabilité pénale ne peut être déléguée.
En cas d'accident du travail, l'employeur peut être jugé à la fois au regard de la responsabilité pénale travail (manquement au règlement) ET de la responsabilité pénale générale (manquement à une obligation de sécurité ayant pour conséquence une blessure ou la mort).
Selon le Code de la Sécurité Sociale - Article L452-1, créé par Décret 85-1353 1985-12-17 art. 1 JORF 21 décembre 1985
Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants
Si l'accident est dû à la faute intentionnelle de l'employeur ou de l'un de ses préposés, la victime ou ses ayants droit conserve contre l'auteur de l'accident le droit de demander la réparation du préjudice causé, conformément aux règles du droit commun, dans la mesure où ce préjudice n'est pas réparé par application du présent livre.
Les caisses primaires d'assurance maladie sont tenues de servir à la victime ou à ses ayants droit les prestations et indemnités mentionnées par le présent livre. Elles sont admises de plein droit à intenter contre l'auteur de l'accident une action en remboursement des sommes payées par elles.
Si des réparations supplémentaires mises à la charge de l'auteur responsable de l'accident, en application du présent article, sont accordées sous forme de rentes, celles-ci doivent être constituées par le débiteur dans les deux mois de la décision définitive ou de l'accord des parties à la caisse nationale de prévoyance suivant le tarif résultant du présent code.
Dans le cas prévu au présent article, la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail peut imposer à l'employeur la cotisation supplémentaire mentionnée à l'article L. 242-7.
Pour résumer, vous pouvez télécharger les fichiers ci après
Durcissement des exigences
Depuis 2002, la Cour de cassation assimile l'obligation de sécurité à une obligation de résultat, on parle désormais « d'obligation de sécurité de résultat ». La responsabilité de l'employeur est engagée de plein droit du seul fait de l'inexécution de son obligation de sécurité.
D'un point de vue pratique, cela vous oblige, en tant qu'employeur à tout mettre en œuvre pour éviter les accidents ou maladies professionnelles.
Si vous ne pouvez pas échapper aux poursuites en tant qu'employeur, leurs conséquences seront considérablement amoindries si vous prouvez que:
vous avez pris TOUTES les précautions nécessaires à la sécurité des salariés, c'est-à-dire concrètement :
- avoir mis en place des programmes de formation,
- avoir diffusé une information en matière de prévention,
- avoir affiché les consignes et des avertissements spécifiques visibles par tous les salariés
- avoir mis en place un système de contrôle du respect des consignes
(la signature des employés prouve qu'ils ont été informés) ;
- vous n'avez aucune responsabilité dans la survenance de l'accident ;
- pris toutes les mesures de sécurité et de protection ;
- ou encore que cet accident est le fait d'une cause étrangère (un cas de force majeure, comme une rafale de vent soudaine et non prévue par les services météo) ;
Comment se prémunir contre les conséquences de la faute inexcusable ?
En cas d'accident ou de maladie professionnelle, un employeur doit démontrer qu'il a communiqué précisément auprès de ses salariés sur les risques qu'ils encourent, préconisé des mesures adaptées pour y faire face et pris les mesures de prévention et de protection qui s'imposent.
Si vous travaillez avec d'autres entrepreneurs, vous devez réaliser un plan de prévention des risques communs pour :
- déterminer les mesures d'information et de formation des salariés ;
- formaliser les délégations de pouvoir et répartir très précisément le rôle et les responsabilités de chaque intervenant.
Votre responsabilité peut, d'autre part, être engagée non seulement en raison de votre propre faute inexcusable, mais également du fait de celle des personnes à qui vous avez délégué des responsabilités (article L. 452-1 du code de la Sécurité sociale). En pratique, cela signifie que vous pourrez être tenu responsable de fautes commises par les cadres, les chefs d'équipe ou les chefs de chantier de votre entreprise.
En tant que chef d'entreprise vous devrez, en outre, être en mesure de prouver :
- que vous avez mis en place une organisation et des moyens adaptés, et que vous avez formalisé une démarche pour imposer le port d'équipements de protection individuelle (EPI),
- que vous exercez un suivi de santé de vos collaborateurs en veillant, tout au long de l'exécution des contrats de travail, à la prise en compte et à l'adaptation des mesures mises en place, et en organisant la traçabilité des actions.
Depuis 2001(1) le « document unique » (DU) ou « document unique d'évaluation des risques » (DUER) est obligatoire. Ce document recense les risques et les mesures de prévention engagées pour assurer la sécurité et protéger la santé des salariés. Il doit être régulièrement tenu à jour.
Souscrire une assurance spécifique ?
Les actions devant les tribunaux en reconnaissance de faute inexcusable ont augmenté. Être bien assuré est plus que jamais essentiel pour faire face à ces situations. L'assurance de la faute inexcusable de l'employeur, non obligatoire, peut-être inclue dans votre contrat d'assurance Responsabilité civile professionnelle. L'étendue, le montant ou les franchises de la garantie peuvent varier d'un assureur à l'autre.
Quelles suites à un accident du travail ?
Le chef d'entreprise est présumé responsable d'un accident du travail dès lors que l'accident a lieu sur le lieu et durant le temps du travail. La décision de la CPAM de reconnaître ou pas le caractère professionnel de l'accident est notifiée au chef d'entreprise.
Cette responsabilité peut être partagée ou incomber à un tiers.
La responsabilité d'un tiers peut être reconnue partiellement ou totalement par une décision de justice ou une transaction.
Il
est important de rappeler que de mauvaises pratiques en matière de sécurité et
de santé au travail coûtent cher.
Cas concret :
C'est ce qui est arrivé récemment à une entreprise, dont l'un des salariés a fait une chute mortelle en voulant dégivrer un appareil situé sur un pylône.
Sa veuve invoque alors la faute inexcusable devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale pour obtenir une indemnisation.
Le tribunal correctionnel a reconnu l'employeur pénalement responsable pour insuffisance d'évaluation des risques, absence de formation et mise à disposition de matériel de protection obsolète. A ce titre il a été condamné à 15 000 € d'amende.
Un premier jugement du tribunal correctionnel a abouti à la condamnation de la société au pénal à 30 000 € d'amende pour insuffisance d'évaluation des risques, absence de formation et mise à disposition de matériel de protection obsolète. Il a échappé à une peine de prison avec sursis.
La constitution de partie civile de la veuve de l'employé et ses deux filles a, par ailleurs, été déclarée recevable devant le tribunal correctionnel. Cela signifie qu'elles peuvent demander une majoration de la rente ainsi qu'une réparation du préjudice moral devant le Tribunal des Affaires de la Sécurité sociale.
Le Code de la Sécurité sociale prévoit que des indemnisations peuvent être versées en dédommagement des préjudices suivants :
- les préjudices pour souffrances physiques et morales,
- les préjudices esthétiques et d'agrément,
- la perte ou la diminution de promotion professionnelle,
Depuis une décision du Conseil Constitutionnel du 18 juin 2010, le périmètre d'indemnisation a été élargi et comprend désormais :
- les frais d'adaptation du logement et du véhicule en cas de handicap,
- Le « déficit fonctionnel temporaire » c'est-à-dire les périodes d'hospitalisation de la victime, mais aussi sa « perte de qualité de vie » pendant toute la durée du traitement médical,
- L'aide au quotidien fournie par un tiers pendant la durée du traitement médical des conséquences de l'accident.
Dans le cas de figure évoqué, la majoration de rente a été évaluée à plus de 211 416 euros, avec attribution de 90 000 euros de préjudice moral répartis entre la veuve du salarié décédé et ses enfants (30 000 € pour la veuve et 30 000 € par enfant).
La garantie faute inexcusable peut prendre en charge ces montants ainsi que les frais de défense pénale, les frais d'avocat si vous en avez un (jusqu'à un certain montant). Ce qui n'est pas pris en charge, l'amende de 15 000 €.